Le chanvre textile revient sur le devant de la scène en cette période de changement profond de la mode. Il apparait comme une solution durable pour une mode meilleur mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que cette fibre devienne largement commercialisée.
Le grand retour du chanvre textile
Longtemps, le chanvre a principalement été cultivé pour la fabrication des cordages et du papier. Sa réalisation traditionnelle, par rouissage à l’eau, devient de plus en plus rare puis interdit en 1842. Mais depuis quelques années le chanvre fait son grand retour sur le marché avec notamment un développement de la filière chanvre textile.
Bien qu’il séduise de plus en plus d’acteurs, il ne représente que 0.25% du textile mondial. Toutefois, l’industrie du chanvre est en pleine expansion ! Et aujourd’hui, la France en est le 1er producteur européen.
Les atouts agricoles du chanvre
Le chanvre, comme le lin, nécessite très peu d'irrigation, il pousse très vite et laisse une terre de bonne qualité pour la rotation des cultures. Sa racine pivot ameublit le sol et puise les nutriments essentiels à sa croissance dans la profondeur du sol, laissant les éléments nutritifs situés près de la surface pour les cultures suivantes, en particulier les céréales. Il capture le CO2 et contribue ainsi à la lutte contre le réchauffement climatique.
Faisant office de plante refuge, il accueille à la fois de nombreux prédateurs et des ravageurs des autres cultures, mais aussi des espèces fragiles protégées par la densité du chanvre.
Une des principales qualités du chanvre est son auto-défense, ce qui fait de lui une plante d’une grande vigueur. En effet, le chanvre se protège lui-même des ravageurs, des agents pathogènes et des adventices (les mauvaises herbes). Le chanvre n’a donc pas besoin de désherbage, ni mécanique, ni chimique, dans sa culture bio et conventionnelle, dès lors que la levée est réussie.
Pour favoriser une agriculture respectueuse de l’environnement, le chanvre est une plante très intéressante à cultiver. C’est aussi une plante zéro-déchet, où toutes les parties de la plante sont utilisées. En outre, sa production nécessite très peu d’eau, ce qui en ces temps de bouleversements climatiques est essentiel.
La convention lin et chanvre bio : un espace d'échange privilégié entre acteurs de la filière
Lors de la convention lin et chanvre bio, les agriculteurs et acteurs de la filière chanvre textile donnaient de précieux conseils, invitaient à l’échange, partageant leurs retours d'expérience sur le sujet. La filière chanvre et textile est au début de son lancement, elle doit encore se solidifier, mais je perçois un véritable engouement et une passion de la part des acteurs.
Une filière chanvre textile qui cherche encore son processus industriel
En effet, la filière chanvre s'appuie sur celle du lin car les teillages sont en capacité de défibrer les tiges de chanvre sur les équipements liniers, à la double condition de leur fournir des tiges de chanvre conditionnées et rouées au champ comme le lin.
La principale difficulté est l'absence d'une solution mécanique. En effet, pour couper les tiges de chanvre en deux longueurs d'un mètre et les paralléliser au champ pour un rouissage homogène, les arracheuses à lin ne conviennent pas, et ne sont pas adaptées à la hauteur du chanvre (le chanvre mesure environ 2 mètres).
Des industriels et artisans qui œuvrent pour construire une filière années après années
Avec LCBio, la filière organise et fait des tests, conduit des essais sur plusieurs années.
En 2017 et 2018, LCBio commence par paralléliser manuellement les tiges et les coupes à la disqueuse. Les essais de l’association, portées principalement par Nathalie Revol, ont mené à la production de 80 premiers jeans en chanvre 100 % made in France. Une victoire pour LCBio et la filière chanvre textile dont la crédibilité augmente considérablement auprès de nombreux acteurs et investisseurs du textile.
En 2019, « lin et chanvre bio » s'équipe d’une machine chinoise pour faucher et paralléliser les tiges dans les champs. Malheureusement, la machine est mal adaptée aux terrains normands, mais sert à agrandir les surfaces d'essais, permettant aux autres agriculteurs de cultiver le chanvre de manière industrielle.
Après la production des premiers jeans et la poursuite des essais prometteurs, certains acteurs clefs ont pariés à leurs tours sur le chanvre, notamment la région Normandie et la coopérative Linière du Nord de Caen.
En 2021, enfin, un prototype concluant de machine pour récolter le chanvre textile est mis au point.
Les essais et les victoires se sont multipliés jusqu'à aujourd'hui, fédérant de plus en plus d'acteurs séduits par une perspective d'avenir réjouissante et prometteuse. On peut citer la région Normandie, l'Europe, la DRAFF et l'agence de l'eau, qui y voient de réels intérêts économiques et écologiques même si cette filière a encore besoin d'être consolidée.